Pour commencer il faut s’arrêter. Faire une pause, suivre REN et prendre le temps.
Une immersion s’impose. Il faut faire le détour pour approcher cet EP, car il ne se range pas facilement.
D’abord parce qu’on a envie de le réécouter, de ne pas le laisser dormir dans un placard.
Ensuite parce qu’il touche à plusieurs registres et trouverait difficilement sa place dans un tiroir, ni à côté des mouchoirs, ni à côté des couteaux rouillés.
Enfin parce qu’il étonne ; les ingrédients ne sont certes pas inédits mais c’est leur alliage, parfois surprenants, qui sort des sentiers battus et fait à la fois l’originalité et la saveur vintage de cet opus.
REN est un artiste bruxellois à la fois auteur, compositeur et interprète.
La musique commence à l’intriguer dès l’enfance, lorsqu’en cachette il écoute les 33 tours de chanson française que ses parents passent alors qu’il est censé être au lit.
A l’adolescence, la découverte du rock révolutionne son rapport à la musique ; quelques années plus tard, la rencontre du jazz et des ouvertures infinies que recèle la musique l’amène à parfaire sa technique et élargir sa palette musicale.
REN joue de la guitare… Mais surtout il chante. Une voix chaude, intense qui peut se faire douce, caressante.
Et s’il a d’abord chanté en anglais, c’est l’amour de la langue française, de sa complexité, de la richesse de ses mots, de leurs sens et de leurs jeux qui fait qu’aujourd’hui c’est la chanson qui l’anime.
Toutes ces passions et références confluent dans cette fusion audacieuse que nous propose REN, synthèse improbable entre les harmonies libérées de Pink Floyd, le délire désinvolte d’un Nino Ferrer, les mélodies envoûtantes de Gentle Giant et le jazz poétique de Claude Nougaro.
Tout à son aise, il pose et installe sa voix chaude, précise et porteuse, en parfaite résonnance avec la chaleur d’une guitare ronde et heureuse, soutenue par des arrangements copieux, luxuriants et luxurieux.
La poésie, arrondie et enjouée elle aussi, s’amplifie par une diction qui cisèle la musicalité des mots et martèle le tempo tonique du phrasé.
REN est insomniaque. Ajoutez à cela qu’il s’est toujours plu à cultiver une certaine indolence…Alors parfois, couché dans son lit ou dans son divan, REN regarde passer le temps. Les contraintes du quotidien ? Les rappels à l’ordre de l’administration ? Franchement, ce n’est pas son truc. L’essentiel est ailleurs.
En réalité, REN s’avère moins insouciant qu’il n’y paraît. Sa nonchalance, promesse faite à l’enfant qu’il était et entend rester, est aussi une profession de foi, un engagement dans un monde qui file à toute allure. A l’ère du net, du grand débit, où tout s’achète et se vend en quelques clics, REN range son Mac et s’installe dans son hamac…
Avec autant de lucidité que d’humour, REN se moque de ses travers, pointe la frénésie de nos vies modernes, fustige l’avidité et le cynisme des grands de ce monde.La sensibilité de l’insomniaque s’épanche et nous restitue du quotidien, de jour comme de nuit, délitant ou délirant. Et puis, ne sachant ni dormir ni courir, REN s’accorde tout le temps de rêver…
Comme l’indolence, le fignolage s’accorde tout son temps pour nous peaufiner des perles lentes à éclore, longues à délecter, aussi patientes qu’impérissables.
Et l’on s’impatiente déjà de recevoir les prochaines pièces pressées de ce travail d’orfèvre.
Et l’on s’impatiente déjà d’en accueillir la fièvre lorsque l’artisan sortira de l’atelier pour prendre la scène.
REN joue les équilibristes entre les temps modernes et un temps pas si lointain que l’on nommait joliment le temps des cerises, remettant au goût du jour des mots comme engagement, solidarité, fraternité mais aussi imagination, liberté, légèreté.
A bien y regarder, ces morceaux qui détonnent pourraient bien détoner demain.
En attendant, il ne reste qu’à écouter cet E.P…
Et l’on ne perdra pas son temps !
Voix, guitare : Renaud Renaers
Claviers : Pierre Chevalier
Trompette : Olivier Bodson
Basse : Stéphane Deville
Batterie : Yves Baibay
Paroles et musique : Renaud Renaers
Mixage : David Minjauw
Mastering : Erwin Autrique
Photographe : Laurence Baud’huin
Réalisation clip video : Eric Ghislain
Conception/écriture Dossier : Mathieu Bietlot, Sandro Calderon